Par Gunnar HÖKMARK, député européen
Les technologies sans fil et l’internet mobile transforment rapidement nos économies et nos sociétés. Chaque année, le trafic de données mobiles explose, avec une croissance de plus de 100%. De nouveaux services, dans les télécommunications, la santé, l’énergie ou encore la logistique, améliorent au quotidien la vie de milliards de personnes. Nous ne pouvons pas encore complètement imaginer les opportunités qu’offriront à l’économie et à la société le cloud et l’internet des objets…
Des sources de croissance sans précédent résulteront de ces nouvelles opportunités. De récentes études démontrent en effet, qu’à chaque doublement de volume des données mobiles utilisées, le PIB croît de 0,5 %. L’économie numérique représente actuellement 21 % de la croissance du PIB des économies les plus avancées.
A l’heure où l’Europe est confrontée à une dette colossale, à une croissance négative et à un chômage record, la révolution mobile est une occasion en or que l’Europe ne peut pas se permettre de rater. Le chemin vers la croissance passe par l’économie mobile, et non par des plans de relance d’inspiration keynésienne. Si l’économie numérique ne s’installe pas au cœur de la stratégie de croissance européenne, c’est en Amérique latine, en Asie ou ailleurs, là où de meilleures conditions sont réunies, que les investissements et les emplois seront créés.
Le programme pluriannuel européen de gestion du spectre radioélectrique (RSPP, ou multiannual radio spectrum policy programme), dont j’étais rapporteur au Parlement européen, représente une première étape importante pour faire de l’Europe le chef de file mondial de l’ère mobile. Rendre disponible davantage de fréquences et de capacités doit en effet permettre des connexions plus rapides et davantage de croissance.
Mais il est avant tout essentiel de rendre disponibles 1 200 MHz pour le haut débit mobile d’ici 2015, comme le prévoit le RSP pour que l’Europe se positionne comme leader en ce domaine. L’obligation d’ouvrir la bande 800 MHz avant le 1er janvier 2013 sera également cruciale pour le succès du déploiement de la 4G et pour stimuler de nouveaux services. Des pays comme la France et la Suède l’ont déjà fait. Cependant, plus de dix gouvernements ont demandé des dérogations à la Commission européenne, retardant ainsi l’allocation de fréquences supplémentaires au secteur mobile. Il peut s’agir de dérogations d’ordre technique ou liées à des problématiques transfrontalières, mais dire « non » à davantage de fréquences pour le secteur mobile équivaut à refuser toutes les opportunités de croissance qui résultent de la révolution mobile.
En deuxième lieu, le RSPP accorde un mandat clair à la Commission pour déterminer et dire, avant le 1er janvier 2015, s’il y a lieu d’harmoniser d’autres bandes de fréquences. Les Etats membres ne peuvent pas se soustraire à leur obligation de rendre compte de leurs besoins en capacités supplémentaires et de l’usage réel qu’ils font du spectre radioélectrique. Si le RSPP est une pierre angulaire importante du dispositif mobile européen, l’essor exponentiel des services internet mobile engendrera cependant rapidement des problèmes de capacité sur nos réseaux mobiles. Si l’Europe veut réellement créer les conditions d’une croissance économique, nous devons faire plus.
Il nous faut rapidement prendre une décision politique pour assurer la mise à disposition, dans tous les Etats membres, de la bande 700 MHz pour l’internet à haut débit mobile. L’annonce de Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission européenne en charge de la société numérique, d’accorder un mandat à la Conférence européenne des administrations des postes et des télécommunications (CEPT) pour déterminer les conditions techniques permettant l’usage de la bande 700 MHz – le deuxième dividende numérique – pour l’internet à haut débit mobile, n’est qu’une étape préliminaire.
Il nous faut un big bang : la mise aux enchères, au niveau pan-européen, des services mobiles 4G, avec un nombre réduit d’opérateurs couvrant collectivement le territoire de l’Union européenne. Les titulaires de licence pourraient être des groupements d’opérateurs issus d’une consolidation entre les exploitants actuels dans différents pays.
Ce big bang implique aussi que les Etats membres rendent disponibles leurs ressources en fréquences afin de permettre le déploiement d’un service mobile pan-européen. Les équipementiers disposeraient ainsi d’un marché suffisant pour que la commercialisation de leurs nouveaux produits soit rentable. La bande 700 MHz est déjà disponible pour le haut débit mobile dans de nombreuses parties du monde. D’autres continents font pression pour qu’elle soit harmonisée au niveau mondial. Nous ne pouvons nous permettre ni hésitation, ni attentisme. Nos politiques doivent regarder vers l’avenir au lieu de préserver nos vieilles structures. Les modèles économiques surannés qui n’ont pas su suivre le rythme du progrès ne doivent pas entraver le développement de la croissance et de l’emploi en Europe.
Si nous voulons transformer la compétitivité de nos industries et de nos services, si nous voulons que les industries de télécommunication et d’internet prospèrent, si nous voulons sortir de la crise et attirer les investissements, l’Europe doit agir maintenant !
Si nous n’entamons pas immédiatement des réformes ambitieuses, si nous n’avons pas d’autre ambition que de rester le numéro trois mondial, la révolution mobile se fera hors de l’Union européenne. Ce serait une terrible nouvelle pour l’Europe.